Autoportait de Van Eyck d'Elisabeth Bélorgey

Publié le 28 Avril 2011

Depuis de nombreuses années j'aime lire des romans ayant un rapport avec l'histoire de l'art. De mes nombreuses lectures, j'ai envie de partager quelques textes de ces romans souvent instructifs et bien écris.

 

Je viens de terminer "Autoportrait de Van Eyck" d'Elisabeth Bélorgey :

 

"Plus on fréquente le monde, plus le coeur se ferme. Pour le peu qui me reste à vivre, la beauté m'est aussi nécessaire que l'eau fraiche en été, et la soupe en hiver."

 

"Ce premier contact avec la société imprima en moi une méfiance dont je ne me suis jamais départi : la brutalité, le mensonge, l'envie, l'orgueil, la paresse, la lâcheté, tout y était, déjà."

 

"La couleur me hantait. Cherchant à lui donner une luminosité inégalée, je soignais mes enduits, qui donnaient la lumière aux couleurs que je superposerais en fines couches transparentes ;..."

 

"D'un naturel modeste, sans sous-estimer la valeur technique de ses propres peintures, il déplorait qu'une étincelle lui manquât pour prétendre à être un grand artiste. Peu d'hommes sont ainsi capables de s'évaluer avec justesse. Coane, (...) ne manquait pas de noblesse d'âme ni de franchise."

 

"Que de tracasseries n'ai-je pas eues avec les gens de la Chambre des comptes qui confondaient zèle et avarice ! Croyant servir les intérêts du duc, ils rechignaient pour toute dépense, ne comprenant rien à l'art, à ses besoins, à son rythme, à ses exigences. Comme Zeuxis, si j'avais pu, je crois que j'aurais renoncé à tout argent, car l'art ne peut se monnayer. Toute limitation financière me devint odieuse. Ces gens là ne comprenaient pas que la libéralité de notre duc appuyait ses projets tout autant qu'elle reconnaissait à l'art cette qualité de n'être pas, quoi qu'il en fût, une marchandise. Leur sérieux, qu'ils prenaient pour de la sagesse, dissimulait une ignorance qu'ils flattaient comme un vice."

 

"Le temps devenait un ennemi, un rongeur, tantôt diabolique punition, tantôt divin châtiment. Ces retards me torturaient comme autant de remords. Parfois, le souvenir de mes faiblesses et de mes vanités m'étrillait d'un tourbillon rageur, me terrassant d'impuissance. Seuls les artistes me comprendront, eux qui connaissent cette autre vie muette et passionnée qui nous consume lorsque nous ne pouvons faire advenir à maturité l'oeuvre qui mentalement nous obsède."

 

"Le silence régnait du matin au soir. Je travaillais de longues heures, oublieux de mon corps, me couchant sitôt le souper pour me relever dès l'aurore. Chaque minute de lumière comptait (...), je renouais enfin avec un corridor du temps où il s'abolit pour n'être plus que le déroulement de l'oeuvre. Mû par une sorte d'infaillibilité, je dominais le retable en totalité et dans le moindre détail. C'était une sensation enivrante, épuisante, un état de haute tension que je ne retrouverais sans doute pas de sitôt. (...) Aucun bonheur ne se peut comparer, seul un artiste eût pu le comprendre, mais pris par cette alchimie de ce que je transformais et qui me transformait, je n'avais ni le loisir ni le goût de parler."

 

 

Rédigé par Fabienne M

Publié dans #Textes choisis

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