Extraits de L'obsession Vinci de Sophie Chauveau
Publié le 25 Juin 2012
L’esprit doit se placer entre l’objet vu et la représentation encore à venir pour concevoir l’image à peindre. Le caractère divin de la peinture fait que l’esprit du peintre se transforme en une image de l’esprit de Dieu. Lui aussi s’adonne avec une puissante liberté à la création d’espèces diverses.
Mais on a grand tort de ne pas nourrir l’artiste à sa faim, de ne pas lui donner selon ses besoins, qui excèdent la simple faim, c’est certain. N’est-ce pas dans l’aisance que l’art pousse le mieux ? La grâce s’épanouit toujours mieux loin de l’effort et de la transpiration.
Encore que la prospérité du corps ne nuise pas à celle de l’esprit, le peintre ou le dessinateur doit être solitaire, surtout pendant les périodes de ses spéculations et recherches qui sans cesse se présentent à ses yeux, qui enrichissent sa mémoire et qu’il met en réserve. Si tu es seul, tu seras tout à toi, si tu as un compagnon, tu ne t’appartiendras qu’à moitié, et même moins selon l’indiscrétion de son commerce. Si vous êtes plusieurs, l’inconvénient augmente. Tu as beau dire : je ferai à ma guise, je resterai à part pour mieux chercher la forme des choses naturelles, je te le dis, tu ne réussiras pas car tu ne pourras fermer l’oreille à leur bavardage, et on ne peut servir deux maîtres, tu seras un mauvais camarade et un détestable spéculateur d’art. Tu me diras encore : "je me mettrai si bien à l’écart que leurs propos ne me parviendront pas et ne me gêneront pas." On te prendra pour un fou, je t’en avertis et tu ne seras pas moins seul."